L'usage du miel remonte bien loin dans le temps, aussi indispensable que l'eau, le pain et le sel
Le miel dans la cuisine

Jusqu'à ce que le sucre de canne puis le sucre de betterave deviennent les édulcorants les plus couramment consommés et utilisés, le miel a régné sans partage sur la cuisine et la gastronomie, en compagnie des épices et des fruits frais ou secs, aussi bien et indifféremment dans les domaines du sucré et du salé, car les recettes de cuisine, jusqu'à une époque relativement récente que l'on peut dater de la Renaissance environ, ignorent ce partage et pratiquent le plus souvent l'aigre-doux.

Dans toute l'Asie mineure, le miel a joué un rôle capital dans l'alimentation.
A propos des combattants Thraces, l'historien géographe grec Strabon écrira : "Ils ne mangent pas la viande de leur bétail par dévotion. Ils se nourrissent de miel, de lait et de fromage.
Un régime auquel souscrivent aussi les Egyptiens, avec de nombreuses préparations de gâteaux au miel, aux fruits et au fromage.
Si les Anciens ont attribué au miel une valeur divine, faisant de lui l'aliment de prédilection des dieux et lui donnant une place de choix dans les offrandes et les fêtes rituelles, ils n'ont jamais manqué non plus d'en consommer quotidiennement avec appétit. La Grèce antique donna à la profession de cuisinier un statut particulier, associant dans une même science la gastronomie et la diététique, et l'on connaît encore aujourd'hui les noms de ces grands "chefs" qu'étaient Archestrate ou Erasistrate.
Si le régime de base reste relativement frugal (olives, figues et noix, agneau grillé, lentilles et force poissons, fromage et miel), certaines recettes particulièrement élaborées de ces chefs nous sont parvenues, où le miel joue les grands premiers rôles : fruits de mer cuits dans du miel avec du persil et de la menthe, boudin au miel, gâteau de cervelle aux œufs, au fromage et au miel, cailles au miel, beignets au miel, caillé aux fruits et au miel.
Quant à l'hydromel, c'était la boisson primitive des Grecs avant qu'elle ne soit supplantée par le vin dès le II millénaire avant J.-C.

Dès la plus haute antiquité, l'homme a su reconnaître la qualité de tel miel par rapport à tel autre.
Si les Egyptiens pratiquaient la transhumance, c'était pour s'approvisionner notamment en une variété de miel de trèfle du delta du Nil, de couleur pâle et de saveur délicate.
Chez les Grecs, le miel le plus réputé, dont le renom est parvenu jusqu'à nous, reste celui des pentes de l'Hymette, au sud-est d'Athènes, une montagne restée célèbre dans l'histoire pour deux productions, le miel et le marbre : ce miel d'Attique, le plus précieux et le plus cher, n'était concurrencé dit-on que par celui de Calymnos, ce qui n'empêchait pas les Grecs d'en importer aussi des régions du Pont, qui correspondent aujourd'hui à la Roumanie et à la Bulgarie.

Tout comme chez les Grecs, les Romains, qui ne connaissent pas le sucre non plus, considèrent le miel comme un élément indispensable de l'alimentation quotidienne ou festive.
Dans toute la péninsule, le miel est largement produit par les apiculteurs qui proposent sur le marché de nombreuses variétés (à Rome, les vendeurs de miel sont installés aux meilleurs emplacements, au début de la Voie sacrée qui conduit au Gapitole) ; ces variétés locales sont complétées par celles que l'on importe des pays voisins.
Ce que souligne Pétrone dans le Satiricon : "Pour avoir chez lui du miel attique, il a fait apporter des abeilles d'Athènes ; en même temps les abeilles d'ici deviendront meilleures grâce aux grecques.
Les Romains différenciaient deux sortes de miels : celui de première qualité et celui de seconde qualité, mais il était fréquent qu'ils mélangent un mel optimum avec un mel secundum pour obtenir la saveur la mieux dosée. Le miel était naturellement considéré et servi comme un dessert, seul ou avec du fromage, des fruits ou du lait, en composition dans des gâteaux ou des confitures, ainsi que des vins miellés, mais il intervenait en cuisine de bien d'autres façons et notamment dans des sauces.

Marcus Gavius , auteur d'un livre de recettes qui fit référence pendant plusieurs centaines d'années, il passe non seulement pour un esthète raffiné, préférant se suicider plutôt que réduire son train de vie du jour où il s'aperçut qu'il était ruiné, mais surtout pour un grand connaisseur es gastronomie et recettes de cuisine, où le miel trône en majesté.
Dans des préparations parfois hautement insolites : concombre aux œufs, cervelles d'agneau, miel et cumin ; langouste au miel ; rôti de loir en sauce au miel, une recette que l'on retrouvera chez les Gaulois.
D'autres sont moins surprenantes, et même carrément "modernes", au sens où la modernité n'exclut pas la survivance de certaines antiques traditions de la cuisine à l'aigre-doux, comme le jambon en croûte au miel, le ragoût de porc au miel, les dattes fourrées au miel, la crème renversée au miel, voire l'omelette.
En effet, l'une des étymologies avancées pour ce terme de base de la cuisine moderne n'est autre que latine : ova mellita, expression utilisée pour désigner une préparation classique de la cuisine romaine, des œufs battus et cuits avec du miel dans un plat d'argile.
Dans les très nombreuses sauces utilisées tant pour accommoder les viandes que les poissons, bouillis ou rôtis, le miel est une constante, généralement associé au vinaigre ou à l'indispensable "garum", cette liqueur de poisson aux aromates que l'on pourrait rapprocher du nuoc-mâm vietnamien actuel.

L'hommage le plus éclatant rendu au romain Apicius est celui du chef français Alain Senderens, qui n'hésita pas à remettre à l'honneur, et au goût du jour, une recette antique de canard au miel et aux épices qu'il baptisa "canard Apicius".